Expressions-libres Numéro 7 /Mars-Avril 2003 http://www.expressions-libres.org

VVersion Française/version Internationalea / Edition corrigée & actualisée le 02/04/03 08:17

Cette guerre n'est pas une surprise..Pensée,planifiée,annoncée depuis longtemps, et ce malgré la crise internationale au mois de janvier/février qui aurait pu faire croire que s'instaure un vrai débat sur le désarment de l'Irak et fasse reculer les Faucons de Washington,les Etats-Unis sont entrés en guerre contre l'Irak comme ils l'avaient prévu ,sans se soucier de la réprobation générale exprimée au sein même du conseil de sécurité de l'ONU, dans le mépris le plus total de l'opinion publique mondiale,du droit international,du droit des peuples.

Guerre illégale,Guerre illégitime ,guerre impériale,les qualificatifs ne manquent pas pour caractériser cette décision ,elle a le mérite pourtant de faire l'éclaircie sur la vraie stratégie américaine et sa vision du monde.

Paru dans le très sérieux London Review of Book (1) puis traduit en français dans la Revue Le Débat (2)
" The Push for War " ou "La marche vers la Guerre " inexorable de l'administration Bush est un texte qui recoupe bon nombre d'analyses qui décryptent les raisons profondes de la logique de guerre américaine.( 3)
Anatol Lieven,en fin connaisseur, examine par le détail ce nouveau nationalisme messianique américain qui conduit désormais la politique extérieure américaine,passe en revue ses sources, les milieux qu'il traverse et surtout comment il s'enracine dans l'homme de la rue tout autant que parmi les stratèges de la Maison Blanche et les élites formatées qui l'instrumentalise puis dissèque la realpolitik de
l'admistration Bush ( comment se définit la stratégie américaine,ses objectifs à plus ou moins long terme,ses projets d'Hégémonie pour
casser tous ses rivaux,le contrôle du pétrole,l'Irak mais aussi la Chine,l'U.E et pour "continuer de décharger sur le reste du monde les coûts écologiques de l'économie américaine" sans exiger aucun sacrifice des américains),enfin stigmatisent les puissants lobbies qui tirent les ficelles de cette machine de guerre.
Et l'auteur consterné de conclure avec pessimisme:" Ce à quoi nous assistons aujourd'hui,c'est la tragédie d'un grand
pays,qui a pour lui de nobles élans,des institutions prospères,de magnifiques réalisations historiques et d'immenses énergies,mais qui
est devenu une menace pour lui-même et pour l'humanité. "

Quand Anatol Lieven écrivit ces lignes,nous étions en octobre 2002.Pas une ligne à ce jour ne peut être démentie.Bien au contraire,Le passage à l'acte du 20 Mars 2003 est en somme une éclaircie intelligible, significative des vraies stratégies de guerre américaine: le monde organisé par un vaste protectorat américain où le bonheur est édifié à coup de bombes pour instaurer la démocratie de marché et propager les bienfaits de la civilisation occidentale.Dans Question de fond sur la machine de guerre américaine, je reviens sur deux analyses qui dépassent les discours immédiats sur les enjeux stratégiques en m'appuyant sur Alain Joxe et Philippe Zarifian.

C'est en ce sens qu'il faut comprendre que désormais au "pessimisme de l'intelligence " il faudrait substituer "l'optimisme de la volonté ",la lutte contre l'Empire est beaucoup plus simple maintenant que la stratégie américaine s'est dévoilée avec la guerre en Irak. Cette guerre impériale devenue le symbole d'une régression scandaleuse des relations internationales à l'état de nature ne peut offrir qu'une seule issue: la fin de la barbarie et le retour à la civilisation.
-"C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites [...]. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ..."(4) .Dans Peut-on dépasser l'état de nature dans les relations internationales?Je m'interroge sur la place du droit international qui désormais doit être redéfini .

La naissance d'une opinion publique internationale et ses manifestations anti-guerre culminant le 15 février 2003 est à la fois une continuité et une rupture. Une continuité parce qu'elle s'est appuyée sur cette force réticulaire qui désormais organise des CONTRE-FORUMS mais une rupture parce qu'elle fut un flot qui irrigua bien au-delà des réseaux traditionnellement engagés dans l'altermondialisation,cette force redécouvrant les vertus du droit contre la force.
"Beaucoup de gens nous demandent quoi faire», dit Natacha Quester-Séméon (5) des Humains associés, pionnier du Net solidaire français qui centralise les annonces de manifestations. Le réseau alternatif Samizdat. net confirme «30 à 50 % de connexions en plus depuis le 15 février »: Les Arts Anti-Guerre montrent que la cause anti-guerre,aussi réactive et azimutée, enrôle pas mal d'artistes et d'intellectuels de tous horizons, américains aussi, et galvanisent la Rue, qui s'enfle de cortèges nouveaux comme dans les pays d'Orient..Mais la lutte contre la Guerre suffit-elle ? N'est-elle pas l'occasion pour faire le point sur le monde que nous souhaitons pour demain ?

La Guerre politique est déjà perdue pour les Etats-Unis.

l'indignation que peuvent susciter les causes de cette guerre comme ce droit d'ingérence que s'arroge les Etats-Unis, son déroulement pitoyable qui montre une hyperpuissance et sa perfection technique mise au service du chaos et de la destruction, au prise avec un peuple affaibli par 10 années d'embargo et le pouvoir d'un tyran mais qui fait preuve d'un ultime sursaut d'orgueil rejetant ces nouveaux missionnaires armés aux allures de troupes coloniales ? On se gardera bien dans l'immédiat de sublimer à la manière de Stendhal,cette Résistance irakienne qu'on connaît fort peu et fort mal... Le dernier point qui explique l'hostilité à ce choix de la Guerre sont les effets incalculables qu'ils peuvent produire sur une région,le Moyen-Orient,véritable poudrière que re-modelera pour le pire les coalisés selon leur bon vouloir et leurs intérêts immédiats et qui pourrait favoriser,à terme, l'engrenage dans de nouveaux conflits ( Syrie,Iran,Soudan etc..).le choix de la Guerre,encore une fois,comme continuation d'une politique arrogante de domination n'abonde pas dans le sens souhaité vers plus d'équité et de respect de l'altérité mondiale.D'autre part, qu'on nous dise enfin en quoi l'interventionnisme des Etats-Unis a été salutaire pour le monde ?Qu'on se souvienne de tous les ratages depuis Cuba,le Vietnâm ou l'Afghanistan. pour ne citer que ces quelques exemples d'interventions depuis 45.L'argument sans cesse invoqué,dans la presse américaine à propos de la guerre en Irak et parmi ceux qui en France soutiennent les Etats-Unis ( quand ils n'énoncent pas des contre-vérités) repose sur le passé .La convocation de l'histoire et de la participation décisive des Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale(mais assez tardive:il a fallu attendre 1941 et Pearl Harbour! Il a fallu attendre 1944 pour l'ouverture d'un second front en Europe de l'Ouest malgré la demande sans cesse répétée de De Gaulle et des Russes) qui veut justifier tout ce qu'on veut aujourd'hui y compris le pire n'est plus recevable pour un monde qui a appris que " connaître le passé est une manière de s'en libérer "(6) en disant oui ou non en toute conscience.Les Etats-Unis n'inspirent pas confiance.

Gageons que ce " quoi faire maintenant " aboutisse à un contre-pouvoir digne de Montesquieu, qui à l'instar de ce que préconisait Jules Falquet ( 7) dans son étude sur les organisations internationales dont le paradoxe pervers consiste " à faire participer à sa propre destruction ",n'est-il pas temps de "reprendre une pleine autonomie idéologique et organisationnelle " et d'organiser un CONTRE-ONU?

Un numéro 7 largement consacré à l'actualité qui se poursuit par L' enquête sur les questions médiatiques commencées il y a quelques mois et se termine par les informations culturelles d'usage .

Le Droit contre la Force,c'est un beau sujet sur lequel la Revue Expressions-libres avait jeté les prolégomènes dès le mois de septembre en s'interrogeant sur l'oeuvre de Kant ( la Paix Perpétuelle in Numéro 4,sept/oct 2002). Le droit international tel qu'il a été instauré au fil des siècles pour régir les rapports entre Etats,et depuis 1945 avec la création de l'ONU a toujours été controversé dans ses fondements et ses fonctions: le glaive de la justice utilisé par les puissants.le droit,c'est la force pour reprendre les mots de Stirner.Quant aux ambiguités et à l'inefficacité de l'ONU,elles ont été très souvent dénoncées comme l'utopie juridique ou la judiciarisation des Relations internationales nous n'y reviendrons pas.

Pour autant,les ambitions de la Charte des N.U concernant la sécurité collective et le devoir de Paix et de développement durable aussi inappliquées et inapplicables qu'aujourd'hui demeurent pour beaucoup les seules bases tangibles,concrètes sur lesquelles se raccrochent bon nombre de revendications qu'ils s'agissent de la Palestine ou de l'Irak ou des mouvements d'altermondialisation ou de femmes ou de paysans du tiers-monde ou d'écologie mondiale .Dans les semaines qui viennent,ou les mois qui viennent la grande question portera justement sur le rétablissement d'un ordre mondial où les règles démocratiques qui reposent sur l'isonomie ( l'égalité devant la loi),l'isocratie ( l'équité du pouvoir),le respect,la loyauté et la réflexion sur la justice dans le monde pourrait aboutir à une complète re-définition des cadres institutionnels et des instruments juridiques d'une gouvernance mondiale ?Ca c'est l'hypothèse optimiste sur lequel nous reviendrons plus tard dans la Revue en y consacrant un numéro spécial.

C'est un dossier que nous ouvrons,il n'est absolument pas définitif.Ici,on trouve les protestations circonstancielles des juristes contre la guerre en Irak,suivies de deux expressions d'un profond scepticisme .Que retenir, sinon qu'à mesure que le monde se décompose,la réflexion se recompose.

Le droit international incite à la réflexion. Il pose des questions auxquelles l’étudiant n’est confronté dans aucune autre branche du droit : qu’est-ce que le droit ? Quels rapports entretient-il avec la force, la morale ? Qu’est-ce que l’effectivité ? Un droit ineffectif (non observé) mérite-t-il ce nom ? Qu’est-ce que la justice ?

Parce que le monde comprend parfaitement où mène leur politique de domination et leur stratégie d'action unilatérale, une majorité de l'opinion s' émeut et au besoin se raidit contre les options de l'équipe Bush. Le veto éventuel de la France sera aussi un veto allemand. Mais la guerre d'Irak n'est pas seule en cause. Ce qui s'affirme à propos de cette crise c'est la nécessité d'une formalisation visible et croissante d'une statégie mondiale de l'Europe différente de celle des Etats-Unis.

Ainsi la date du 17 mars pour l'entrée officielle en guerre a été respectée, date du calendrier militaire connue de longue date. Cela signifie, mais devait-on en douter ?, que le détour avorté par l'ONU n'a jamais constitué l'essentiel. Il ne représentait pas le véritable calendrier.

En quoi consiste la stratégie américaine, et comment s'insère-t-elle dans le nouveau régime de guerre ?

Il est bon de dire que le nouvelle pensée stratégique a mis prêt de 10 ans à se construire, dans le vide laissé par la fin de la guerre froide. Il fallait, à l'administration américaine, repenser stratégiquement le monde et leur rôle, et c'est ce qui, par étapes successives, a été fait, bien que l'entrée véritable dans un régime de guerre permanent ne date que de l'après 11 septembre 2001. Alain Joxe, dans "L'Empire du Chaos", en retrace bien les différentes composantes ( lire la suite ....) http://perso.wanadoo.fr/philippe.zarifian/page72.htm

Quels rapports -- tout particulièrement après le 11 septembre 2001 -- l'image entretient-elle avec le réel ? Lorsqu'il s'agit de films de fiction, l'image est-elle réductible à sa simple fonction de distraction ? Ou dévoile-t-elle plutôt des réalités cachées ? Ne convient-il pas d'envisager le cinéma autant dans ce qu'il tait ou ce qu'il suggère que dans ce qu'il dit ? N'est-il pas un document irremplaçable qui donne davantage à voir sur la société qui le produit que sur celle qu'il est censé mettre en scène ? [1] Autant de questions qu'il semble nécessaire de se poser à la veille d'une guerre contre l'Irak souhaitée par le gouvernement de Bush car :

Le poids du syndrome de la guerre du Viêt-nam pèse encore lourdement sur les épaules de l’état-major US, persuadé d’avoir perdu le conflit sur le plan médiatique ;

La guerre dite du Golfe (1990-1991) a déversé sur le monde un flot continu d’images dites d’information dont nous sommes revenus ;

La production hollywoodienne depuis 2001 en déverse un autre, de fiction, qui mérite qu’on s’y arrête.

le quatrième pouvoir ou comment la démocratie est menacée.
De la fabrique de l'opinion par les grands organes de presse au service des pouvoirs politique et financier

à la fabrique en amont des informateurs,les journalistes,
Un livre et un site permettent de compléter certains aspects du
travail commencé par la Revue Expressions libres et toujours difficile à mettre en oeuvre sur le sujet sensible:
Démocratie et pouvoir des médias.(in numéro 3 Juillet/août 2002)

-Les Petits soldats du journalisme
François Ruffin,éditions les Arênes,fev2003

Comme dans un miroir grossissant, le journalisme ordinaire se révèle
sans fard : la célébration du vide, le mépris du public, la
soumission aux pouvoirs, la quête du profit, l'information prémâchée
comme seul horizon. Un récit incisif et insolent qui démonte, pièce à
pièce, les rouages de la machine médiatique.
http://www.arenes.fr/

- autre Présentation du livre :
Les Nouveaux Chiens de garde, de Serge Halimi, s'attaquaient aux
gradés des médias. Voici venu le tour de la piétaille : Les Petits
Soldats du journalisme [*] , ces défenseurs malgré eux de l'ordre
médiatique, entraînés par le Centre de formation des journalistes. Un
réfractaire raconte.
J'appartenais à une unité d'élite : le Centre de formation des
jounalistes...
lire la suite
http://acrimed.samizdat.net/article.php3?id_article=935

-objectif du site Acrimed: Action-critique-média
Action-CRItique-MEDias [Acrimed] est, comme son nom l'indique, une
association de critique des médias qui se propose de se constituer en
Observatoire des médias et d'intervenir publiquement, par tous les
moyens à sa disposition, pour mettre en question la marchandisation
de l'information, de la culture et du divertissement, ainsi que les
dérives du journalisme quand il est assujetti aux pouvoirs politiques
et financiers et quand il véhicule le prêt-à-penser de la société de
marché.
http://acrimed.samizdat.net/rubrique.php3?id_rubrique=107

Sur le même site de très nombreuses analyses de différentes couvertures
médiatiques en international,société,culture etc...

- Arrêts sur images,l'émission hebdomadaire de France 5 permet une
première approche de décryptage médiatique,mais les sujets sont
inégalement traités pour ne pas dire superficiellement traités,on prolonge de manière récurrente l'interrogation de P.Bourdieu:
la TV peut-elle critiquer la TV?
voir la liste des sujets abordés à:
http://www.france5.fr/asi/sujets/

- Lancement de l'Observatoire International des Médias,une opération à suivre de près pour pallier les difficultés de la neutralité objective des critiques:

Naguère « quatrième pouvoir » qui, au sein des démocraties, s'opposait aux abus des trois autres (législatif, exécutif, judiciaire), la presse et, par extention, les grands médias sont devenus l'un des principaux pouvoirs dans nos sociétés d'opinion et d'information : ils cumulent en effet puissance économique et hégémonie idéologique. A leur tour, maintenant, et faute de contre-pouvoir, ils oppriment. Il est donc indispensable d'inventer un « cinquième pouvoir » pour protéger la société contre leurs abus, défendre l'information comme bien public et revendiquer le droit de savoir des citoyens.

Dans chacun des observatoires nationaux des médias qu'elle contribuera à mettre en place, Media Watch Global se propose de contribuer à la construction de ce « cinquième pouvoir ». Sa force sera avant tout morale : elle prononcera des admonestations éthiques ; elle sanctionnera les manquements à l'honnêteté professionnelle au moyen de rapports et d'études qu'elle publiera et diffusera très largement ... lire la suite.

Kiosque :

Femmes rebelles , Manière de Voir n° 68,Mars/Avril 2003. http://www.monde-diplomatique.fr/mav/68

Sélections d'adresses internet Féminisme & histoire des Femmes par D.Letouzey http://hgtice.free.fr/faq/genre.htm

Ecritoire/ lecture:

- Derrière le Miroir.Entretien avec Pierre Vidal Naquet ( la Pensée de Midi,Hiver 2000)

Dernier ouvrage paru:Vidal Naquet Pierre
Le Miroir brisé.
Tragédie athénienne et politique
Les Belles Lettres,2001.

Bloc-Note:

Exposition Roland Barthes -> jusqu'en Mars 2003 / Centre Beaubourg

Désigné à la fois comme mythologue, sémiologue, structuraliste, Roland Barthes a exercé une influence majeure dans la critique littéraire des années soixante.
Cette manifestation d'envergure, propose en une dizaine d'étapes une biographie intellectuelle de Roland Barthes, en s'appuyant sur les grandes oeuvres picturales, photographiques, théâtrales et littéraires commentées par l'auteur. http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Home.nsf/docs/fhome